Dans les rues que nous parcourons en monômes
Nous semons partout la joie et la gaieté
Car bientôt se réveillant comme d'un long somme
Cent Gadz'Arts vont retrouver la liberté
Il est certain que ce n'est pas un rien
D'avoir passé trois ans dans ce lieu de tourments
Ils s'en vont, ils s'en vont, ce n'est pas une illusion.
En ce beau jour, paillassons et conscrits
Célébrons tous la Délivrance
De trois années, c'est là le juste prix
De tout Ancien, c'est l'espérance
La liberté viendra dans quelques temps
Bientôt à bout de leur tristesse
Les délivrés, revoyant leurs maîtresses
Oublierons le passé, grisés par les baisers.
Quant à nous qui défilons sous vos fenêtres
Angevines nous ne vous disons pas adieu
Dans trois mois, vous nous verrez réapparaître
Le front morne, le regard triste, et l'air soucieux
Car à l'idée de se voir enfermer
On voudrait retourner toujours dans ses foyers
Aujourd'hui, plus d'ennuis, oublions tous nos soucis.
De cette exance, nous aurons l'illusion
Lorsque joyeux, le coeur en fête
Nous franchirons la portière des wagons
Pour retrouver un peu de bien-être
Dans nos contrées, alors pendant trois mois
Oubliant notre vieille boite
A travers champs, à la lisière des bois
Revoyant les beaux jours, nous revivrons l'amour.
A quoi sert cette guirlande qui s'enroule
Dites-vous braves gens qui nous regardez
Est-ce afin de circuler parmi la foule
Ou dans le simple but de vous étonner
Ce n'est pas ça, vraiment vous n'y êtes pas
Il faut être borné pour faire tant de chiqué
Attention, attention, voici la vraie solution
Ce cordelet caché sous les rameaux
De Fraternité, c'est l'emblème
Chaque Gadz'Arts forme l'un des anneaux
D'une chaîne de longueur extrême
Les promotions ne peuvent s'y distinguer
Partout la soudure est la même
Gardons intacte, cette continuité
Qu'ont su lui conserver, ceux qui vont nous quitter.
Avec ma cousine Lison
On a le sens de la raison
On va souvent derrière la cathédrale
Et là comme on n'y voit que dalle
On se planque dans un coin noir
Histoire un peu de s'émouvoir
On se fait des démangeaisons
Avec ma cousine Lison.
Nous sommes nés sur le même palier
Le même jour à la même heure
Aussi jugez si nous sommes liés
Par une amitié supérieure
Lison et moi on s'aime tendrement
Mais comme elle est encore mineure
Chez ses parents la nuit elle demeure
Et l'on se voit journellement
Tous les étés on va au bord de la mer
Et là c'est une autre combine
Car pour ne pas se mettre à découvert
On prend chacun une cabine
Comme vous voyez on prend des précautions
Car ces cabines, oh, quelle veine
Comme elles sont par hasard mitoyennes
On s'fait des communications
Avec ma cousine Lison
On a le sens de la raison
Et pendant qu'on se déshabille
On se dit des choses gentilles
Et quand on est déshabillé
Comme on est toujours outillé
On fait des trous dans les cloisons
Avec ma cousine Lison
Tous les hivers et par un froid de loup
Le long des quais on se faufile
Stoïquement elle encaisse les coups
Car quand on s'aime on s'assimile
On n'a pas chaud dans les extrémités
Mais dans nos coeurs quand ça s'explique
On ressent la chaleur des tropiques
Et l'on s'croirait en plein été.
Depuis que je suis au vieux cloître
Que de choses ai-je vu passer
J'ai vu la ville d'Angers croître
Du haut du couvent vénéré
Comme moi, ô pilier austère
Tu vis les nonnes recueillies
Et tu as vu le monastère
Un jour dépeuplé et meurtri.
Les jours ont passé après le silence
Qui nous torturait, ce fut l'espérance
Des Arts et Métiers, le tambour battait
Nous entendions l'hymne nouveau
Le chant des lourds marteaux.
Il y a déjà plus de cent années
Que je domine l'école des Arts
J'ai vu les Traditions ancrées
Dans tous les coeurs des vrais Gadz'Arts
J'ai vu leurs débuts magnifiques
Et les Gadz'Arts pour elles lutter
Depuis ils me sont sympathiques
Chaque jour me les fait mieux aimer.
Je suis aujourd'hui le plus pur symbole
Du passé des Gadz', de la vieille école
Je domine leur vie, je guide leurs pas
Sur le sentier pour eux sacré
De la Fraternité.
Quand l'heure de la révolte sonne
Ils n'ont garde de m'oublier
Pour le drapeau noir je me donne
Et c'est toujours avec fierté
Je vis leur vie tendre et farouche
Je m'associe à leur bonheur
Leurs actes fraternels me touchent
Et je les suis dans leurs malheurs.
J'ai vu les sacqués, senti leur tristesse
Des Gadz' endeuillés, j'ai vu la détresse
En ces jours maudits, le vieux clocheton
Qui sait souffrir à sa façon, pleure les Gadz' partis.
Nous avons fait un bout de route ensemble
Jusqu’à la mort qui nous a séparé
Mais en cette heure nos épaules tremblent
Rien ne fera qu’on vous puisse oublier
Oh ! Vous nos frères disparus désormais
Vous resterez présents dans nos mémoires
Car en nos coeurs sont gravés à jamais
Ces quelques mots "Vous êtes des Gadz’Arts". (bis)
Que font ici ces titres de noblesse
Leurs faux éclats ne peuvent nous éblouir
Ici, puissant, l’inégalité cesse
Vieux privilèges vous devez tous périr
Goûtons amis ce bonheur qu’on méprise
Car sachez bien qu’à l’école des Arts
Fraternité, c’est là notre devise
C’est la devise de tous les vrais Gadz’Arts. (bis)